La guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens.
C’est grâce à cette définition de Clausewitz que l’on peut répondre à tous les partisans d’une « solution politique » en Syrie, que l’offensive actuelle du régime d’Assad et de ses alliés n’est rien d’autre que la continuation de la “solution politique” par d’autres moyens.
Cette posture, en opposant solution politique et solution militaire laisse croire qu’il y aurait une séparation claire et nette et mythique entre guerre et paix. Une façon pour les « réalistes » de constituer leur réalité alternative, une « solution politique » dont on ne sait pas grand chose si ce n’est qu’elle serait l’exact inverse de la situation actuelle. Cette inversion stricte entre les deux états permet ainsi aux « réalistes » d’en appeler à leur fameuse solution politique sans jamais identifier dans le réel le point où se rejoindraient les « solutions militaires » et la « solution politique » et qui permettrait de comprendre comment passer de l’un à l’autre.
Or il n’en est rien, les frontières entre guerre et paix sont de plus en plus brouillées pour le meilleur mais aussi pour le pire et le cas de la Syrie est exemplaire à ce titre.
Le droit de la guerre s’étend, il y a de plus en plus de zones de désescalade, de cessez le feu, de zones tampons, de négociations pour l’accès des ONG, de couverture médiatique, tout ceci étant des logiques de « paix », de droit des civils qui viennent réguler les logiques de guerre.
Mais le brouillage des frontières produit aussi l’inverse: des violations de cessez le feu, des massacres de zones tampons, des crimes de guerre et l’extension des logiques de lutte contre les « terroristes » qu’on exclut des accords, des négociations et des cessez le feu, des “terroristes” à qui l’on déclare qu’on continuera de faire la guerre même quand la paix sera signée.
Ce principe de brouillage des frontières entre guerre et paix et d’exception terroriste s’illustre parfaitement avec le ciblage des hôpitaux.
Pourquoi Assad et Poutine ciblent-ils des hôpitaux?
Les coordonnées des hôpitaux sont transmis aux belligérants (surtout ceux avec des moyens aériens) grâce aux mécanismes nommés deconfliction. Et ce processus de deconfliction en Syrie est un modèle de solution politique négociée entre les logiques des démocraties et celles des dictatures. Chacun y participe selon ses intérêts et le résultat est une confrontation parfaite des deux logiques.
La démocratie (c’est à dire les ONG et les humanitaires) croit en la logique du droit de la guerre, de l’humanitaire, de la transparence et de la justice. L’ensemble du principe humanitaire moderne est fondé sur la protection des hôpitaux, militaires d’abord, puis l’extension de cette protection aux structures civiles. Ces ONG cherchent à étendre ce que la guerre interdit.
Les dictatures se servent de ces principes pour cibler les hôpitaux. Dans la logique inverse de barbarisation de la guerre, cherchant à étendre ce que la guerre autorise.
Attaquer les hôpitaux, en étendant ainsi la guerre sans droit, permet aussi paradoxalement de créer de l’asymétrie dans la guerre. Plus les belligérants s’engagent à respecter le droit de la guerre plus ils s’engagent à reconnaître des droits à l’ennemi et à ce que l’ennemi leur en reconnaisse en échange. Cela créé de la symétrie entre les parties. Or ce que le régime souhaite depuis le départ c’est une guerre asymétrique pour constituer le réel de sa propagande sur les « bandes armées » et « groupes terroristes ».
Sur le terrain militaire le régime cible les hôpitaux, sur le papier diplomatique il étend la liste des groupes « terroristes » qui ne seront pas concernés par les cessez le feu. La logique est la même, créer de la guerre asymétrique en même temps que de la paix asymétrique.
Sur le plan de la propagande cela permet aussi de créer le réel des discours disant que les civils dans les zones rebelles cherchent à fuir (lorsque les civils sont bombardés) mais en sont empêchés (lorsque les civils savent qu’ils seront bombardés dans les couloirs humanitaires ou que le passage en zone régime signifie mort, torture et enrôlement forcé).
On sait depuis longtemps que toute « solution politique » avec un dictateur portera sur les réfugiés que le dictateur utilise comme moyen de pression. Cibler les hôpitaux, écoles, marchés, boulangeries, structures civiles en général permet à Assad de créer des réfugiés qui iront faire pression sur Erdogan. C’est ce que cherchait à éviter Erdogan en signant avec Poutine les accords de Sotchi en septembre 2018 créant une zone tampon à Idlib, lorsqu’il déclarait « nous avons empêché une grave crise humanitaire à Idlib ».
Une « pression » d’Assad et de Poutine qui ne peut obtenir la plénitude de son efficacité que grâce à la politique de Hollande à l’égard des migrants, que Macron a choisi de prolonger et d’amplifier.
Mourir pour une preuve
A ces logiques des dictatures, les structures démocratiques cherchent à répondre par plus de droit de la guerre, plus d’humanitaire, plus de transparence et de justice.
Les débats qui animent la participation au processus de deconfliction sont l’incarnation de la façon dont on négocie une solution politique avec une dictature. Certaines ONG refusent de participer au processus avec l’argument qu’Assad et Poutine se servent des coordonnées pour cibler les hôpitaux. En réalité dès lors que le processus existe, cela crée un affrontement des logiques démocratiques et dictatoriales et il importe peu que les structures s’enrôlent ou pas. Au contraire les dictatures ont plutôt intérêt à cibler autant des structures qui participent que des structures qui ne participent pas en alternant.
En septembre 2018 le Senior Advisor de l’ONU Jan Egeland se réjouissait des progrès de la deconfliction et annoncait que 700 camps de réfugiés de l’intérieur, hôpitaux, écoles, entrepôts humanitaires, bureaux humanitaires dont 240 de ces structures à Idlib avaient été « deconflict », leurs coordonnées transmises aux belligérants. Il incitait d’autres ONG à rejoindre le programme, assurant que des « indicateurs clairs » permettaient d’assurer que les sites listés étaient protégés des attaques. Une auto-félicitation qui ne correspond pas vraiment aux rapports de l’ONG Physician For Human Rights qui a élaboré une carte des attaques des structures médicales en Syrie.
En réalité les organisations qui s’engagent dans le processus de deconfliction savent à quoi elles s’exposent et qu’elles ne sont absolument pas protégées. Elles comptent sur le fait qu’une structure inscrite dans la deconfliction mais frappée quand même permet de rendre les auteurs responsables de crime de guerre devant la justice internationale, en fournissant ainsi des preuves du crime et de son intentionnalité.
Dans ce document, 11 organisations décident de se joindre au processus en Syrie, pleinement conscientes du sort qui les attend et ayant discuté des risques avec leur personnel sur place, mais décidées à lutter par la transparence et la justice internationale contre la barbarie de Poutine et d’Assad.
The local medical staff, who handed over these coordinates at great risk to their own personal safety, are seeking to uphold and protect the impartiality of healthcare, emanating from their ethical commitment to impartially treat the wounded and sick
La responsabilité des criminels de guerre ne pourra cependant être engagée que dans l’éventualité ou existerait sur la Syrie un semblant de justice internationale. Plus les dictatures avancent leurs logiques internationalement, moins le principe de justice internationale a de chance de s’appliquer à ceux qui rédigeront les lois d’amnistie et d’exception. Les structures qui s’engagent dans la deconfliction le font désormais non pour être protégées des attaques mais pour réclamer de l’OCHA, à qui les coordonnées sont transmises, la mise en place d’un mécanisme permettant au moins de documenter les attaques. On en est là…
Before sharing our coordinates, our staff on the ground consulted with UN officials, and agreed on the best available tools and mechanism to document attacks on healthcare. UN OCHA assured us that they will now monitor and report on alleged attacks. Although we know that such attacks are likely to continue, we hope that this move will act as a deterrent and bring increased transparency to the reporting process.
Le problème étant que cette logique de transparence et de justice, face aux dictatures, transforme les structures non listée en cibles légitimes, en fournissant une sorte de preuve d’innocence aux criminels qui frappent les structures médicales ou civiles non déclarées.
Autre paradoxe du processus, créer des sites protégés ne pourra qu’inciter des groupes armés asymétriques à tenter d’en profiter pour se mettre à l’abri, ce qui en refait des cibles de la « lutte contre les terroristes qui utilisent des boucliers humains ».
Les dictatures ont donc tout intérêt à alterner leur ciblage de sites civils listés et non listés, à laisser des espaces sécurisés se développer pour les cibler ensuite, à cibler des sites médicaux identifiés pour les inciter à se cacher et justifier de frapper les sites médicaux qui ne se sont pas identifiés etc.
Un problème qui apparaît inextricable mais qui est en fait très exactement une solution politique négociée en l’absence de No Fly Zone imposée par les démocraties qui interdirait toute frappe aérienne sur l’ensemble d’une zone. Mais la No Fly Zone est une solution militaire, or il faut être réaliste etc. etc.
La guerre contre le terrorisme
L’autre argument contre la No Fly Zone est évidemment que cela créerait un sanctuaire pour les terroristes. L’argument terroriste est essentiel car il permet de faire avancer les logiques des dictatures contre les logiques des démocraties qui se renient un peu plus chaque fois qu’elles l’acceptent. Le « terrorisme » est précisément ce qui permet de réduire le droit de la guerre, de brouiller les frontières entre guerre et paix et d’autoriser à cibler les structures civiles.
Les dictatures en général et celle d’Assad en particulier n’ont eu de cesse de caractériser les soins aux rebelles comme du terrorisme. C’est exactement le témoignage de Ms Khleif (dans la remarquable enquête d’Anne Barnard sur les prisons syriennes).
« Ms. Khleif said she had aided injured protesters and delivered medical supplies to rebels, acts that the government labeled terrorism. »
C’est dans cette même logique que la propagande d’Assad et de Poutine a élaboré une campagne de propagande contre les casques blancs cherchant à les définir comme terroristes. Le terrorisme permet d’étendre le non-droit aux structures civiles aidant ou portant assistance aux « terroristes ».
Les démocraties acceptent de participer à cette lutte anti-terroriste. Et donc de mettre en commun avec les dictatures des moyens, des lois, des mécanismes, du renseignement biométrique, financier, de renforcer des coopérations informelles des polices, ainsi que le recommandait en 2017 le secrétaire général de l’ONU dans son 4eme rapport sur la menace posée par ISIS… Autant de domaines civils où les démocraties acceptent échanges et partages avec les dictatures au nom du terrorisme.
Mais plus encore sur les terrains de guerre, la « lutte contre le terrorisme » justifie de s’en prendre à des structures non combattantes comme des structures financières ou médiatiques. Cela contribue à brouiller encore un peu plus la frontière entre le civil et le militaire, entre le terrorisme et l’humanitaire puisque les humanitaires vont utiliser les mêmes structures financières. Un problème qui ressort dans le 19e rapport de l’Équipe d’appui analytique et de surveillance des sanctions présenté en application de la résolution 2253 (2015) concernant l’EIIL, Al-Qaida et les personnes et entités qui leur sont associées:
« L’Équipe de surveillance a également continué d’examiner avec les États Membres et les parties compétentes les effets pervers de l’application des sanctions. Un État Membre (…) a souligné que la diminution des risques par les banques commerciales restait un défi important pour le secteur humanitaire opérant dans des régions telles que l’Iraq et la République arabe syrienne, considérées comme des zones à haut risque. Les agents humanitaires étaient ainsi de plus en plus contraints d’utiliser des canaux informels pour transférer des fonds dans le cadre de leurs opérations, ce qui empêchait les autorités compétentes des États Membres d’avoir une vision claire des mouvements de fonds et pouvait servir de prétexte à des acteurs malintentionnés pour financer le terrorisme sous couvert d’action humanitaire. »
Le Comité International de la Croix Rouge s’inquiète également de la criminalisation croissante d’activités humanitaires considérées comme soutenant le terrorisme dès lors qu’elles s’appliquent à des groupes considérés comme terroristes:
“Within the framework of counterterrorism measures, efforts to curb and criminalize all possible direct and indirect support to so-called terrorist organizations have led to increased control and restraint on all activities, including humanitarian activities, that could in any way be seen as providing support to non-State armed groups or individuals designated as terrorists.”
Et particulièrement le ICRC s’inquiète des termes utilisés qui étendent la lutte contre le terrorisme à tous ceux qui leur portent assistance.
“The unqualified prohibition of acts of “material support,” “services” and “assistance to” or “association with” terrorist organizations found in certain criminal laws could, in practice, result in the criminalization of the core activities of impartial humanitarian organizations, and their personnel, that are endeavoring to meet the needs of victims of armed conflicts or situations of violence below the threshold of armed conflict.”
On ne fait la paix qu’avec ses ennemis sauf si…
C’est dans les négociations sur la Syrie, l’élaboration de cette fameuse “solution politique”, que l’on pourra observer la façon dont les logiques des dictatures et la démission des démocraties déploient toutes leurs perversités, grâce à cette extension de la lutte anti-terroriste à laquelle cèdent les démocraties.
Petit à petit les résolutions de l’ONU sur la Syrie (fruit des négociations donc) vont créer des exceptions à la paix et à la « solution politique » et développer une solution militaire spécifique pour ces exceptions. Des groupes « terroristes » sont ainsi exclus progressivement des cessez le feu.
En Fevrirer 2016 par exemple la résolution 2268 emploie des expressions étranges:
“parties to whom the cessation of hostilities applies (…) hereafter referred to as the “parties to the cessation of hostilities””
Il existe donc des parties qui ne sont pas concernées par la paix et auxquelles le cessez le feu ne s’applique pas.
Le terrorisme permet donc des exceptions même aux fameux adages réalistes. “On ne peut faire la paix qu’avec ses ennemis” sauf si ce sont des ennemis terroristes; ou encore “on peut dîner avec le diable si on utilise une longue cuillère”, mais pas si c’est un diable terroriste.
Ces parties étant exclues des cessez le feu, elles se retrouvent de fait exclues de tout ce qui va avec un cessez le feu. Lorsqu’un cessez le feu est signé, l’ONU réclame aux parties d’accorder et de respecter l’accès humanitaire dans les zones où désormais les combats ont cessé. Les « terroristes » n’étant pas concernés, qu’advient-il de l’humanitaire dans ces zones ?
Très officiellement l’ONU va petit à petit créer en Syrie le cessez le feu qui autorise à bombarder des écoles et hôpitaux « terroristes » qui soignent ou éduquent des membres de Daech, de Quaeda ou leurs « associés ».
Les premières résolutions de l’ONU de 2012 (résolution 2042 et 2043) réclamaient bien pourtant « sustained cessation of armed violence in all its forms by all parties »
Puis en 2013 c’est la résolution 2118 sur les armes de destruction chimique.
Vient ensuite la Resolution 2139 (2014) qui négocie l’accès humanitaire. Ban Ki Moon sent bien qu’on négocie sur des acquis, le droit humanitaire n’étant pas quelque chose qu’on doit en principe négocier.
Mais la 2139 va encore plus loin en appelant à la cessation des violences par toutes les parties mais en spécifiant les violences terroristes dans un paragraphe à part. Pire encore en demandant spécifiquement dans la résolution aux groupes d’opposition de « maintenir leur rejet » des groupes terroristes et de s’engager (de même que le régime) à combattre et à défaire les organisations et individus associés à Al Quaeda, ses affiliés et autres groupes terroristes.
“Strongly condemns the increased terrorist attacks resulting in numerous casualties and destruction carried out by organisations and individuals associated with Al-Qaida, its affiliates and other terrorist groups, urges the opposition groups to maintain their rejection of these organizations and individuals which are responsible for serious violations of international humanitarian law in opposition-held areas, calls upon the Syrian authorities and opposition groups to commit to combating and defeating organizations and individuals associated with Al-Qaida, its affiliates and other terrorist groups”
Peu de doutes sur qui pousse dans cette direction. Churkin, le représentant russe se félicite: “In addition, there was strong provision in the text calling on all parties to break with terrorists. It underscored the need for opposition groups to take on responsibilities, support the fight against terrorism, and pool efforts with the Government to solve that problem. The Council, however, should consider a separate draft document to counter terrorist activity in Syria.”
La suivante, la resolution 2165 (2014) acte que la précédente résolution sur l’humanitaire n’a pas été respectée. Un passage du texte mentionne la prolifération des « groupes extremistes » mais sans plus de détails. Le représentant Russe se félicite de l’approche constructive de ce texte et dit espérer que cette approche sera la même concernant la prochaine résolution russe sur le terrorisme:
Underscoring the need for a political solution to the crisis, he voiced hope that the constructive approach to today’s text would also apply to the Russian Federation’s resolution concerning terrorist activity.
Vœux exaucés: la 2170 passée un mois plus tard concerne spécifiquement le terrorisme.
A partir de ce moment, une résolution sur deux concerne spécifiquement Daech et Nusra, l’autre portant sur l’humanitaire.
Se dessine progressivement un accord sur une solution militaire en Syrie concernant le problème terroriste. Les négociations de paix devront se faire avec Bachar, et sur un autre plan la lutte contre le terrorisme devra aussi se faire avec Bachar.
La 2249 passée juste après le 13 novembre permet aux états membres de prendre « toutes les mesures nécessaires » contre Daech. La 2253 concerne spécifiquement le financement de Daech.
Et enfin la 2254 qui établit une feuille de route pour le processus de paix
La 2254 est l’aboutissement ultime de cette logique. Autant dans les résolutions contre le terrorisme on rappelle que les mesures anti-terroristes doivent se faire dans le respect du droit humanitaire international et des droits de l’homme. On construisait ainsi une « solution militaire » spécifique pour le “terrorisme” mais en rappelant au moins les droits de l’homme. Autant dans la solution politique dessinée par la 2254 en revanche, de tels rappels n’apparaissent pas dans les textes qui excluent les “terroristes” des cessez le feu.
Ainsi la feuille de route prévoit un cessez le feu mais qui ne s’appliquera pas aux mesures offensives ou défensives prises contre Daech, aux affiliés d’Al Quaeda, aux autres groupes terroristes tels que désignés par le conseil de sécurité sur les listes de terroristes de l’ONU. Non seulement ça mais la résolution du plan de paix prévoit « l’éradication des sanctuaires » terroristes.
C’est la Jordanie (une monarchie) qui s’occupe principalement d’essayer d’accorder les points de vue des dictatures et des démocraties sur les groupes et les individus pouvant être considérés comme terroristes.
Reiterates its call for Member States to prevent and suppress terrorist acts committed specifically by Islamic State in Iraq and the Levant (ISIL, also known as Da’esh), Al-Nusra Front (ANF), and all other individuals, groups, undertakings, and entities associated with Al Qaeda or ISIL, and other terrorist groups, as designated by the Security Council,(…) and to eradicate the safe haven they have established over significant parts of Syria, and notes that the aforementioned ceasefire will not apply to offensive or defensive actions against these individuals, groups, undertakings and entitie
Mais la résolution 2236 signé en décembre 2016 et qui sanctionne le lancement du processus d’Astana entre la Turquie et la Russie pour la mi-janvier 2017 va encore plus loin. C’est le lancement officiel de la « solution politique » telle qu’elle se présente actuellement. La résolution salue d’ailleurs le « jumpstart » d’un processus politique.
Welcomes and supports the efforts by Russia and Turkey to end violence in Syria and jumpstart a political process, and takes note of the documents issued by Russia and Turkey in this regard.
En réalité le conseil de sécurité ne sait pas ce qu’il signe, la liste des groupes « terroristes » n’est pas jointe en annexe. Le conseil de sécurité signe un chèque en blanc pour que la Russie et la Turquie décident, en toute opacité, de ce qui devra être éradiqué et de ceux qui participeront à la « solution politique ».
The representative of the United States supported the resolution because it struck the right balance between cautious optimism and a realistic need to see how it would be implemented. She expressed regret that annexes to the agreement had not been made available
France’s delegate said the Russian-Turkish agreement contained a number of “grey areas”, including whether the regime was genuinely committed to the ceasefire. The Council had not received the list of groups included in the agreement, and the level of commitment of all parties remained uncertain. He also expressed concern over which groups would be designated as terrorist groups.
Le processus d’Astana, sanctionné par l’ONU qui signe sans regarder, va permettre la mise en place de zones de désescalade qui seront reconquises l’une après l’autre par Bachar et Poutine à l’exception d’Idlib.
La solution politique de Sotchi
Il est difficile de déterminer si l’offensive actuelle est la suite de cette stratégie, le fruit d’un partage secret entre Russie et Turquie ou une façon pour Assad et Poutine de forcer Erdogan à respecter ses engagements “anti-terroristes”.
Ce qui est certain en revanche c’est que cette offensive, comme les précédentes, est menée en parfaite articulation avec les négociations et en totale harmonie avec la « solution politique ».
C’est à la conférence de paix de Sotchi que la Russie va réactiver une des dispositions prévue par la résolution de 2254 (après éradication des terroristes). Cette disposition est la formation d’un conseil constitutionnel chargé d’élaborer une nouvelle constitution pour la Syrie ce qui permettra ensuite la tenue d’élections.
A Syrian-led political process facilitated by the United Nations which would establish “credible, inclusive and non-sectarian governance” within six months and set a schedule and process for the drafting of a new constitution.
By further terms, the Council expressed support for free and fair elections, pursuant to the new constitution, to be held within 18 months and administered under United Nations supervision, “to the highest international standards” of transparency and accountability, with all Syrians — including members of the diaspora — eligible to participate.
L’opposition a boycotté le sommet de Sotchi. Le HNC sous égide de l’Arabie Saoudite ne s’est même pas présenté, quant à l’opposition chapeautée par la Turquie elle est venue mais a refusé de quitter l’aéroport en voyant qu’elle était accueillie par les drapeaux de Bachar al Assad.
L’opposition pro-Bachar a évidemment participé au sommet.
Mais à Sotchi, la Russie offre à l’ONU de récupérer le dossier du comité constitutionnel ce que Stafan de Mistura s’empresse de faire. (Ici on peut voir l’envoyé de l’ONU se faisant avoir et s’en félicitant)
Sotchi est un modèle de solution politique Russe, un dialogue entre Bachar et l’opposition pro-Bachar, l’imposition d’une nouvelle constitution en lieu et place du départ de Bachar al Assad et l’ONU qui adoube. L’opposition qui a boycotté cette solution politique est finalement convaincue d’accepter par de Mistura qui croit que le comité constitutionnel “deviendra une réalité à Genève” car ramener le processus à Geneve est devenu son obsession et sa seule fonction. Il croit en outre qu’il décidera des critères pour les membres du comité et qu’il pourra les désigner.
He said the constitutional committee agreed in Sochi “will become a reality in Geneva,” where most of the U.N.-led Syria peace talks have been held. De Mistura also said he would decide the criteria for committee members and select about 50 people – from government, opposition and independent groups.
C’est la fin officielle de toute demande de départ de Bachar al Assad qui, non seulement n’est plus un préalable à rien depuis bien longtemps mais désormais n’apparaît plus nulle part.
Ce qui sera négocié désormais est la composition du comité constitutionnel qui aura 150 membres, un tiers pour le régime, un tiers pour l’opposition, un tiers d’indépendants désignés en principe par de Mistura. A l’issu des travaux de ce comité il y aura des élections. En attendant le régime a accepté les 50 membres proposés par l’oppositions mais a rejeté ceux proposés par de Mistura qui espérait aboutir à la formation de ce comité avant son départ fin 2018.
Accorder le dernier tiers à l’ONU était une façon d’inclure une partie neutre à même de faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre. Autrement dit, empêcher Régime et Opposition de bloquer le processus. Assad, en rejetant cette partie neutre montre sa façon à lui de s’engager sur un processus politique. Plutôt que de bloquer le processus il va empêcher toute initiative permettant de le débloquer.
Négocier et bombarder en même temps
Le 26 avril 2019 a eu lieu le 12ème round de pourparlers à Astana (ville renommée Noursoultan pour accommoder le dictateur du Khazakstan).
La déclaration conjointe des trois parrains (Russie Turquie Iran) appelle l’ONU et la communauté internationale à faire les “contributions appropriées” pour le retour des réfugiés et la reconstruction des écoles et hopitaux détruits.
En même temps Poutine bombarde les structures à reconstruire.
Mais les pourparlers ont bien avancé et la solution politique est plus que jamais une réalité. Le nouvel émissaire de l’ONU pour la Syrie, Geir Pedersen le 30 avril en pleine offensive exprimait son “optimisme sur le fait que les négociations sur une commission constitutionnelle inclusive visant à élaborer une nouvelle feuille de route politique pour la Syrie pourraient désormais progresser.”
Le prochain sommet du processus d’Astana est prévu pour juillet 2019.
La seule et unique préoccupation de la France n’est pas tellement la recherche d’une “solution politique” mais de ne surtout pas laisser rentrer les djihadistes.
On cherche donc des solutions originales et des doctrines sur le principe d’un “jugement des djihadistes étrangers là où ont été commis leurs crimes.” Le ministre des Affaires Etrangères examine ainsi “la possibilité de créer un mécanisme juridictionnel à dimension internationale spécifique” pour les djihadistes en Syrie.
Les efforts diplomatiques de la France sont ainsi tout orientés vers la mise en place d’une justice internationale d’exception, ayant bien conscience que la fameuse « solution politique » rétablissant définitivement la loi de Bachar n’est pas pour tout de suite.
On attend impatiemment de voir si ce « mécanisme juridictionnel » se conformera aux droits de l’homme, à l’abolition de la peine de mort et si les djihadistes condamnés devront effectuer leur peine “là où ont été commis leurs crimes”. A coup sur on trouvera que les prisons de Bachar où se commettent tortures et exécutions de masse sont des lieux tout à fait adaptés aux « terroristes ».