Ce samedi 21 novembre se tenaient partout en France des manifestations en opposition à la loi sur la “sécurité globale”, dont notamment son article 24, rendant passible de poursuites le fait de filmer les forces de l’ordre. A Montpellier, plus de 1500 manifestants se sont rassemblés contre cette nouvelle atteinte grave aux libertés.
Au milieu des slogans et pancartes dénonçant la dérive autoritaire gouvernementale, une pancarte géante « Non à l’israélisation de la France ».
D’après le groupe « BDS 34 Montpellier », qui arborait fièrement cette pancarte, la France serait donc menacée par l’infiltration secrète d’un petit groupe. En tout cas, c’est clairement le sous-entendu affiché ici. Celui d’une politique venue de l’étranger et non d’un raidissement autoritaire tout simplement français. Comme à l’accoutumée les sophistes de l’antisémitisme de gauche nous expliqueront que nous réagirions différemment s’il s’agissait d’une référence à un autre pays. Mais si c’était le cas, par exemple, si l’on comparait la politique de Poutine ou de Trump et la situation française actuelle, ce ne serait pas le mot ” russification” mais le mot “poutinisation” qui serait employé. Tout simplement parce que le complotisme est dans l’ADN de l’antisémitisme, et que dans ce cas précis, l’idée d’une “influence extérieure” est bien autre chose que celle de comparaisons entre des politiques sécuritaires communes à bien des dirigeants politiques.
Cette référence directe aux slogans antisémites de l’entre-deux guerres s’est non seulement affichée en tête de manifestation, mais aussi à une place prépondérante lors des prises de paroles. Pire, l’un des responsables du groupe « BDS 34 Montpellier » a pris la parole au micro, sous les applaudissements de la foule, afin de déblatérer un discours complètement hors-sujet quant à l’objet de la manifestation, fustigeant ici des « expériences faites par les Israéliens sur les Palestiniens » en matière sécuritaire.
Soyons clairs ici, il ne s’agit pas ici pour nous de prendre la défense du gouvernement israélien ou de son armée. L’intervention du groupe « BDS 34Montpellier» était ici non seulement hors-sujet, mais clairement antisémite, pleine de sous-entendus complotistes. Une « expérimentation », c’est ici un secret révélé, une vérité dévoilée. Un vieux poncif antisémite tout droit sorti des poubelles de l’histoire, ou d’un livre du négationniste Robert Faurisson. L’obsession antisémite de ce groupe est connue au niveau local : deux des porte-paroles font l’objet de poursuites pour négationnisme. Ils avaient diffusé en 2014 un photomontage assimilant étoile de David et croix gammée, et disant que les juifs étaient responsables tout autant que les Nazis du génocide de 6 millions de juifs pendant la seconde guerre mondiale.
Pourtant, non seulement les organisateurs de la manifestation, tout comme la quasi-totalité des manifestants, ne se sont pas offusqués de leur présence, mais leur ont permis de relayer, en leur donnant la parole au micro un discours violemment antisémite, le tout sous les applaudissements.Il est inquiétant à plus d’un titre de voir ici la tolérance dont font l’objet les discours du groupe « BDS 34 Montpellier» de la part des différentes associations, collectifs, syndicats et partis politiques ayant organisé et animé cette manifestation (SAF, LDH, Solidaires Etudiant-e-s, la Quadrature du Net, PCF, Union Communiste Libertaire). Aucune des personnes ayant pris la parole lors de ce rassemblement n’a esquissé une critique ou au moins une prise de distance, vis-à-vis de la présence de ce groupe, la pancarte géante ou le discours de « BDS 34 Montpellier».
A Montpellier, l’antisémitisme décomplexé semble avoir pignon sur rue au sein des mouvements progressistes. Ce sujet n’est pas annexe, et l’évoquer et le combattre n’est pas porter préjudice à une lutte pour le respect des libertés politiques et civiles. Au contraire, c’est continuer à accepter d’être associé à des ignominies sans nom qui porte atteinte non seulement aux victimes d’antisémitisme mais également à notre efficacité, et à notre crédibilité politique. Tout le monde n’a pas envie de supporter ce genre de saleté et d’y être associé en venant manifester, et nous ne nous résignons pas à perdre un seul camarade même pour gagner dix antisémites.
Le racisme et l’antisémitisme n’ont pas leur place dans les mouvements sociaux.