Bribes de voix, celle d’une précaire étrangère pas assez polie, parmi tant d’autres
Il y a quelques temps, j’ai été contactée en urgence par une mère isolée qui avait été régularisée quelques mois auparavant. Un fils de 8 ans, enceinte de 6 mois. Une grossesse non désirée, mais elle s’en est rendue compte trop tard pour avorter, et puis le père, bien que très précaire lui aussi et sans papiers, voulait garder le bébé. « Même dans une situation précaire, on peut fonder une famille » lui a-t-il dit. C’est une petite fille, a-t-elle précisé en me l’annonçant. Il m’a semblé que cela avait un sens particulier pour elle, en tout cas, cela en a eu pour moi. Juste ce mot fille, et il y a comme un lien, une communauté. Entre femmes, il y a des moments où on peut se dire des choses intimes sans tabou, et peut-être d’autant plus facilement qu’il n’y a pas de relations personnelles. Les relations avec les mecs, comment se passent les rapports sexuels, les avortements qu’on a faits ou pas, les libertés qu’ils nous restent à conquérir, le désir d’autonomie. Elle appelait parce que suite à une rupture de prise en charge par le 115 (samu social), qui l’avait déjà baladé dans des hôtels d’un bout à l’autre du département, c’était le conseil départemental qui payait l’hôtel et la prise en charge s’arrêtait. Alors elle s’est installée dans les locaux des services sociaux et elle ne voulait pas bouger. J’aurais voulu aller sur place. J’aurais voulu une réaction collective en urgence. Je n’avais personne autour de…