Ce mercredi 15 septembre à 16h devant la 17eme chambre civile du Tribunal judiciaire de Paris, le directeur du site d’extrême-droite Riposte Laïque devra répondre en justice de quelques-unes des abjections proférées contre Pierre Serne depuis des mois.
Quelques-unes, les recenser toutes prendrait des pages, à la fois méprisables, répugnantes et profondément ennuyeuses. Il y a en effet au moins vingt articles publiés ces trois dernières années par divers auteurs et sites, dont le sujet principal est d’appeler à la vindicte et parfois à la violence physique voire au meurtre contre Pierre Serne.
La raison initiale est tristement simple. Pierre Serne, élu de la République, a porté jusqu’au bout une procédure juridique pour obtenir que Valérie Pécresse, présidente du Conseil Régional Ile de France, rétablisse le droit à une aide aux transports pour les personnes dépourvues de titres de séjour. Aide pourtant légalement obligatoire qu’elle avait supprimée dès son accession à la présidence de la région. Élu d’opposition écologiste et de gauche, il a simplement fait ce pour quoi il avait été élu, et il a gagné. Rendant ainsi leur droit à 115 000 hommes, femmes et enfants. Il est également activiste des droits humains, engagé contre toutes les discriminations, et notamment contre l’islamophobie. Et il est homosexuel et juif.
En France, en 2021, l’ensemble est, hélas sans surprise, la source de beaucoup d’ennuis. En toute impunité, l’extrême-droite est accoutumée à cibler ceux qui osent lui résister et sont issus des minorités.
Pierre Serne a subi ces dernières années les pires insultes homophobes, antisémites, islamophobes et racistes. L’identité de son compagnon, de sa sœur, le nom de ses grands-parents juifs, son adresse ont été jetés en pâture aux haineux. Des photomontages puérils et abjects, parfois insoutenables, accompagnent chaque article contre lui. Comme tous les collectifs d’extrême-droite, Riposte Laïque regroupe deux types de profils. Des idéologues raisonnés et des individus obsessionnels qui font le sale boulot au quotidien, écrivent parfois jusqu’à trois charges hallucinées en trois jours. Au dessous des articles, des dizaines de commentaires suivent, en général encore bien plus menaçants et orduriers.
Cette réalité sordide et terrifiante, les pouvoirs publics la connaissent. Et s’en désintéressent globalement. C’est désormais la normalité politique : ces quinze dernières années, la vitrine de la sphère fasciste, le Rassemblement National a été dédiabolisé et dans le même mouvement, son arrière-cuisine souvent appelée la fachospshère, a obtenu le droit anti-démocratique de détruire la vie de ses cibles. Menacer, salir, harceler sont devenues une modalité comme une autre du débat public. Raison pour laquelle de nombreux militants et militantes, de nombreux et nombreuses élues n’osent même pas porter plainte, parce que les procédures sont longues, coûteuses, et exposent finalement à encore plus de vindicte des agresseurs sans régler le problème.
A certains résignés à la banalité du mal fasciste, il apparaîtra même sans doute un peu suranné d’aller en justice pour des injures comme « islamo-fellateur », « complice des assassins de Juifs », « animal au sexe indéterminé » et quelques autres sorties du même tonneau de piquette ignoble du fond de cuve du nationalisme français.
Mais Lignes de Crêtes est aux côtés de Pierre Serne, parce qu’entre autres choses, nous ne comptons pas nous priver du droit de manger et de boire halal. C’est à dire de ne pas renoncer à la lutte contre l’antisémitisme, l’islamophobie, la negrophobie, l’homophobie et toutes les autres formes de racisme et de discrimination. C’est-à-dire de ne pas renoncer à notre droit démocratique, lutter contre l’extrême-droite, mais aussi pour l’accueil des exilés et des exilées, pour l’égalité sociale et sociétale. C’est-à-dire ne pas renoncer à faire vivre nos féminismes, nos antiracismes, nos antifascismes, nos solidarités intersectionnelles et universalistes.
Être de gauche, c’est légal. Tenter de déshumaniser et de détruire des militants, jusqu’à nouvel Ordre, c’est illégal, entre autres choses.
Et si la banalité du mal fasciste n’était pas entérinée au plus haut niveau politique, alors les animateurs du site Riposte Laïque auraient beaucoup d’ennuis. Comment est-il possible qu’en toute impunité, s’y expriment notamment des salves de haine et de mépris contre les survivantEs des attentats de Paris, signées par un certain « Brenton Anders », qui utilise paisiblement comme pseudonyme les deux prénoms d’assassins racistes et antisémites ? Comment est-il possible que Gérald Darmanin découvre seulement au mois d’août 2021 que des étoiles jaunes et des comparaisons infâmes et négationnistes entre le vaccin et le génocide commis par les nazis sont publiée sur le site depuis au moins cet hiver ?
Ce n’est pas à Pierre Serne de répondre à ces deux questions, c’est au Ministère de l’Intérieur de le faire. Ce ne devrait pas être à Pierre Serne de porter le poids terrible d’une procédure judiciaire contre Riposte Laïque et celui du harcèlement et des menaces qui vont avec, mais aux pouvoirs publics.
Puisque ce n’est pas le cas, nous invitons l’ensemble des forces de gauche, antifascistes et écologistes à être à ses côtés et à prendre nos responsabilités. Si ce n’est nous qui sortira la poubelle d’extrême-droite de notre démocratie ?