D’une bougnoule à un cloporte, lettre à un lâche du RN

in Chroniques de la violence brune by

 

 

Cher compatriote.

Je t’écris en espérant que les larmes de peur dominantes sur les réseaux sociaux n’étoufferont pas ma voix et que tu recevras cette lettre.

Car c’est à moi que tu parles depuis longtemps, et pas à la gauche, et c’est toujours elle qui répond à ma place.

Je t’écris pour te dire que j’ai toujours vécu comme ta cible idéale et que je n’ai plus peur de toi.

Je suis la petite fille que tu as traité de sale arabe à six ans , en jouissant d’être un petit bonhomme de 10 ans enfin Roi du Mal , et d’avoir repéré celle qui ne savait pas qu’elle était arabe et qui se prenait pour toi. Je suis la petite fille de onze ans et tu me crachais dans les cheveux et une prof d’allemand te soutenait discrètement en me mettant des 3 alors que je méritais un 15, mais je ne le savais pas, je l’ai su quand mon petit frère a été martyrisé par cette même femme, mais lui s’est défendu. Je suis la gamine de 14 ans que tu as giflée en plein cours de sport parce qu’elle avait le vertige et ensuite, j’ai eu mon bac avec mention mais avec 0 en sport parce que je ne suis jamais retournée en cours d’EPS, phobie des profs de sport, et des racistes potentiels. Et je ne sais toujours pas courir vite, quand tu me repères, parce que tu sens les bougnoulettes en stress, et bien je reste là et j’attends les coups. Je suis pas morte, néanmoins.

Tu as détruit ma vie, mec, tu as eu raison de t’accrocher depuis ces années 90 ou tu galérais à coller des affiches avec dessus le  tortionnaire de mes ancêtres. Tu as eu raison de continuer, parce que tu savais. Que tu étais juste un lâche, un minable et un sale con, mais que tu serais aidé dans ta longue marche vers moi.

On le sait toi et moi, comment tu as eu la victoire. Ce n’est pas toi, c’est les autres. Ceux de gauche. Qui n’avaient plus de rêve, plus d’utopie à vendre depuis 81. Qui ont dit « Non, le droit de vote des immigrés, on ne va pas le faire, on est français, quand même ». Quand on dit non à l’Un, c’est pour dire oui à un Autre, t’es pas féministe, tu le sais , sale porc fasciste.

L’Autre, c’était toi. Tu les as regardés tellement de fois te faire les yeux doux en me crachant dessus. Lois racistes, lois islamophobes, réponse polie à toutes tes questions de merde, par hasard, cette petite fille en hijab ne serait-elle pas l’ennemi à abattre ? Toi tu savais à partir de 2004, ce que valaient leurs réponses embarrassées « Oui OK, tu as raison, mais néanmoins, nous on aime la petite beurette, celle qui ne le porte pas ». La petite beurette, bien que naïve, était un peu dubitative devant cet amour bizarre, ce besoin de caresser les cheveux des gens comme à un petit animal, normalement les gens civilisés  ne font pas cela.

Toi tu es un homme fidèle dans ta haine. Tu as continué à prendre de haut la gauche, à refuser de payer leurs cadeaux, tu as continué à voter RN. Tu as dit à ton voisin qui hésitait, regarde, quand on ne vote pas pour  les autres , ils nous lèchent les bottes, de plus en plus fort, de mieux en mieux.

Tu as eu raison. Néanmoins tu n’auras existé que par moi. Ton seul pouvoir sur ta vie aura été de me faire mal.

Et commence pas à essayer de monter sur tes grands chevaux de Templier à la noix, on se connaît , on a grandi ensemble. T’as rien, t’as pas d’identité, on était les Enfants du Vide Américain, notre identité, c’est Gremlins, Ca, et les romans de Stephen King. Et non t’es pas le Clown ,déso c’est moi, c’est un mec bien , il tue pas les gosses en vrai, il les emmène en sécurité loin du Cauchemar Américain.  Et je t’attends dans les égouts, tranquillement, mon oncle était éboueur et communiste, on a l’habitude de l’odeur , c’est toujours moins dégueu que le bruit de ta voix .

En attendant t’es là comme un con à partager des visuels avec des sangliers AOC et puis après tu fais comme moi, tu comptes ta monnaie pour acheter de la viande aux hormones à LIDL et puis voilà. Tu mates le foot avec de la mauvaise bière pendant que je regarde The Ring avec des bonbons chimiques. On va arrêter avec l’identité, y’aurait pas eu internet, toi et moi on aurait été des paumés de la vie post-moderne  et voilà.

Ta seule identité, c’est ma mort et celle des miens. Depuis petit. Tu es un faible et c’est seulement  quand j’ai mal  que  tu es bien, et  fais pas ton incel, me dis pas que je suis castratrice, je pense la même chose de ta femme. Juste elle, depuis Marine, et toutes ces conneries de féminisme universaliste, elle a compris qu’elle pouvait en plus passer pour une victime quand mes Frères ne lui font pas la bise, hou les vilains. Toi ça te fait un peu suer, cet argumentaire, parce que si cette salope fait la bise à un arabe, tu lui apprends la vie après, pas vrai ?

Enfin ça c’était avant. Le revers de la victoire, c’est qu’encore une fois , c’est le petit mec  blanc de base qui doit faire des sacrifices. Tu as du effacer ton tatouage SS sur ton bras, tu dois plus dire des trucs sur la dernière voiture de ton voisin juif et comment il l’a eue avec le complot mondial, tu dois accepter que des camarades gays te disent « Bon , il va falloir laisser pousser tes cheveux, Laurent, c’est pour la com de la section, Marine vient la semaine pro , je veux pas de gauchiasses qui encerclent ta tête sur la photo ». Et tu dois être féministe, alors que Marine t’a émasculé bien gentiment quand même, en tuant son père.

Enfin voilà, je voulais te répéter que je n’ai pas peur de toi, car toute ta vie tu n’as eu que moi, depuis le jour où tu as été si heureux après avoir fait pleurer une petite fille dont le grand-père algérien venait de mourir trois semaines avant et je ne savais pas comment le défendre. La faute de la gauche encore, mon grand père était un résistant du FLN et ils en avaient fait un travailleur immigré à soutenir  du bout des lèvres sans jamais lui donner une once de pouvoir politique.

Mais toi, qu’est ce que le RN a fait de toi ? Tu le perçois vaguement, maintenant que le moment de me tuer vraiment approche. Cette inquiétude vague, quand je serais morte, qui verras tu dans ton miroir ?

Un raté intégral. Avec sa salle de bains à crédit et ta femme qui se fait un peu trop belle dedans, ces temps-ci,  depuis que tu bois trop pour oublier les vacances que tu peux plus payer au petit. Ta vie, c’est pas une pastille de Vichy, c’est ce pavillon cheap que tu as payé pour pas rester en cité avec moi, et maintenant quoi ? Tu peux pas aller chez Maisons du Monde, du coup on se voit tous les samedis à Aktion. Et puis après une pandémie, le cancer de ton meilleur pote à quarante cinq piges, et les bulbes de tulipe qui pourrissent en terre ou sèchent sur pied dans la jardinière de ta cuisine, parfois tu te réveilles et tu as peur de l’Apocalypse. Mais comme le christianisme pour toi, ça se résume à faire ENCORE un crédit pour payer le barbecue géant après le mariage de ta fille, tu trouves pas de réconfort dans la Bible.

Réconfort nulle part, sauf dans la ratonnade. C’est peu. Ça ne remplit pas une vie.

D’autant que tu la feras par délégation , sauf si t’es flic, ou un suicidaire suprémaciste mais Brenton Tarrant avait pas de pavillon et il était pas alcoolique. Et encore, même si t’es flic, ce sera pas non plus le Grand Soir, on te dira quel arabe tuer et évidemment pas ton voisin, qui t’énerve parce que son fils est You Tubeur à Dubaï alors que le tien est prof et sa femme veut plus te voir  depuis  Noel ou tu as dit que perso tu voudrais pas de Judith Godrèche, même en levrette, alors ces histoires d’agression ….

Tant pis pour toi. Tu sais, minable , avant je pensais que t’étais mon Frère. Un prolétaire. Un homme puissant qui pouvait changer le monde et aider les petites filles arabes. Je n’étais pas bête, j’ai grandi sous la gauche bourgeoise, j’ai bien vu qu’elle changeait la vie que dalle. Que toi et moi, on était toujours des gamins tristes et perdus dans un monde moche. Nos parents n’ont jamais rien vu des promesses de 81, on a grandi dans la trahison au quotidien, elle avait la couleur de tous les sodas américains que nos parents ne pouvaient pas acheter. Mais moi, faux Frère, je me souvenais de ton passé, du mouvement ouvrier, de la masse blanche qui fait trembler les puissants, je ne t’ai jamais méprisé, je te trouvais beau même sans fric , justement sans fric. Je voyais cela en toi, je ne comprenais pas pourquoi tu voulais me tuer, alors qu’on avait juste à se dire que les bourgeois étaient moches et nous les Rois.

Je me trompais, je me croyais française. J’ai failli sombrer avec toi. Qui as continué à faire semblant de te croire Français , même quand ta France à toi, c’est un entrepôt rectangulaire avec des choses moches que tu crèves de pas pouvoir te payer, et quand tu m’auras tuée, tu seras juste français comme ça.

Alors oui, la gauche t’a choisi depuis trente ans et pas moi. Tu as été l’électeur de rêve, celui pour qui elle a abandonné toutes ses valeurs jusqu’à ce que Marine Le Pen n’ait plus tellement besoin de passer à la télé pour que Bardella gagne. Il suffisait de laisser parler Ségolène et puis Manuel, et puis Fabien et de dire à Jordan d’attendre un peu parce que franchement il parle mal.

Mais tu as un vrai malaise ces dernières années. Tu te regardes dans la glace et puis tu regardes toutes ces personnes magnifiques, courageuses, habitées, collectives, animées d’une énergie incompréhensible. Les musulmans et les musulmanes, oui. Un vrai problème.

Que se passe-t-il ? Qu’est-il arrivé à tes cibles ? Ce n’est pas normal, moi j’avais pas choisi d’être ta cible, la petite fille avait juste un nom arabe. Mais là, il se passe un truc, on dirait que nous sommes des millions à vouloir qu’on nous tue, plus on nous menace et plus on montre qu’on existe au lieu d’aller se cacher sous la table de la gauche et de dire « Non mais on est JUSTE des victimes innocentes du racisme ».

Ça fait dix ans que tu es obligé de te « dédiaboliser » alors que ta seule fierté, ta seule identité, c’était le fascisme originel, celui qui avait exterminé les Juifs et flingué des colonisés par millions. Dix ans que tu n’as plus le droit d’être Maurice Papon publiquement. Dix ans que tu es obligé de faire ta victime, et toi franchement,  être défendu par Serge Klarsefeld, tu le vis moyennement bien.

Et pendant ce temps, nous on devient nous-même,  musulmans et fiers. Et on s’en fiche que la gauche nous ait dit d’arrêter de le montrer sinon elle ne soutient pas. Chose que tu ne comprends pas, normalement dans ton récit, elle aide au Grand Remplacement, elle brandit le drapeau palestinien, et c’est foutu pour toi et les tiens, le complot frériste , tout ça. Non, elle appelle à voter Darmanin pour faire front républicain. Cherche pas à comprendre, elle a peur de toi, vraiment, pas parce que tu vas nous tuer, mais parce qu’elle veut absolument du pouvoir à l’Assemblée, pour elle-même.

Moi je n’ai pas peur. Je suis ravagée de chagrin pour le mal que tu vas faire aux miens.

C’est difficile à comprendre pour toi, car tu n’as pas de liens forts, pas de communauté, tu votes pareil que ton voisin RN, mais tu ne peux pas l’encadrer, s’il a acheté un barbecue plus cher que le tien, tu es persuadé que c’est juste pour te le montrer. Tu fais semblant d’être ému quand un gosse se fait tuer dans une bagarre, mais tu traites de sales tox les petits français qui se défoncent la tête avec des saletés de synthèse pour oublier à quel point leur père est un déchet qui se prend pour un Héros quand il vote RN. Même pas tu leur donnes une pièce.

Moi j’ai du chagrin pour les  gamins. Et  même pour les tiens, un père pareil, quelle misère.

Mais je n’ai pas peur. Car à force de me taper sur la tête, toute ma vie de beurette, tu m’as redonné la mémoire. Je ne suis pas Toi, et c’est la meilleure nouvelle qui soit, je suis musulmane. Nous n’avons pas besoin d’être plaints, nous sommes nombreux.

Et tu sais ce qui se passera après les ratonnades ? En fait c’est dans le vieux  conte que tu as oublié parce que Disney ne l’a pas adapté, , t’as pas d’identité, je te dis, et moi je te l’ai même volée. C’est l’histoire d’un jeune homme étranger qui vient nettoyer les rues d’une ville envahie par les rats, parce que les gens sont sales et paresseux dans cette ville-là. Et ils sont méchants et ingrats aussi, alors ils l’insultent et le chassent une fois qu’il a fait le travail d’arabe. Et ils restent dans leur crasse. Puis un jour le jeune homme revient, il joue un air ancien et tous les beaux  enfants des gens sales le suivent et disparaissent à jamais. Dis au revoir aux tiens, pendant qu’il en est encore temps, ils ne sont déjà plus là le samedi, ils ont une manif Palestine.

 

 

PrecairE, antiracistE