De l’extrême-droite israélienne à l’extrême-droite française, de la haine des musulmans à l’adhésion au génocide des palestiniens, de la plume à la balle, plongée dans l’univers idéologique de Marcos Koskas, celui qui appelle à tuer tout mélenchoniste.
Marco Koskas est un écrivain franco-israélien installé à Tel-Aviv depuis 2012. Il déteste les palestiniens et il le dit sans détour dans Tribune Juive, journal pro-Netanyahou auquel il contribue régulièrement : « Ils déambulent dans nos rues et sur nos plages, sans la moindre inquiétude, les femmes couvertes de la tête au pied comme des momies dans un film gore, et les hommes ventre à l’air, bedonnant et transpirant. »[1]. Au-delà des palestiniens, il hait tous les musulmans « des va-nu-pieds armés de pétoires » vivant dans des « pays pauvres et arriérés ». Pour lui, de la Palestine jusqu’en Afghanistan, ils seraient tous mus par une cruauté intrinsèque et fédérés par une seule chose : « leur xénophobie tribale »[2].
Si son islamophobie s’ancre intellectuellement dans la lecture de Bernard-Henri Lévy, Georges Benssoussan, Houellebeq et Onfray[3], politiquement, Marco Koskas est aussi proche de Netanyahou que de Zemmour. Bien sûr, il reproche à ce dernier d’avoir « dit des conneries sur Pétain » et d’avoir cité Maurras et Barrès. Mais il ajoute aussitôt qu’il ne faut pas le fuir comme la peste. Et surtout il étrille les juifs bien-pensants et bien lotis qui seraient contre Zemmour et ne diraient rien contre « Méluche l’Embrouille », ce pourfendeur des juifs pour plaire aux musulmans. Pour lui, mieux vaut un « juif habité par la culture française » (les « conneries sur Petain et Maurras » seraient donc de la culture française), plutôt que Mélenchon le « démagogue islamo compatible »[4].
Dans une interview pour le journal d’extrême-droite Causeur[5], il va un cran plus loin dans son adhésion aux thèses zemmouriennes, mêlant la théorie du grand remplacement et celle de l’antisémitisme culturel musulman : « Je suis plutôt convaincu que la plupart des juifs devront quitter l’Europe tôt ou tard car le changement de population mènera à la dépénalisation de l’antisémitisme ». Chez lui, sionisme et islamophobie ne font qu’un : « (les juifs) ont quitté les pays arabes pour la France, puis la France pour Israël. Est-ce à dire que la France est devenue un pays arabe ? Faut se poser la question »[6].
Marco Koskas dit « nous » lorsqu’il parle de Netanyahou et de son gouvernement. Et il défend Israël comme une forteresse contre l’ensemble des dirigeants de la planète, de Jean-Luc Mélenchon à Joe Biden en passant par Antonio Gutteres (affublé du qualificatif « vicelard »), seul Trump trouve grâce à ses yeux[7]. Et depuis sa forteresse assiégée, il se raconte parfois une invasion arabe imaginaire – « s’il n’y avait pas la supériorité militaire israëlienne » – « qui ferait disparaître toute la beauté d’Israël, liberté et mixité, égalité et sensualité »[8]. Parce que pour lui, Israël est un havre de paix et de bonheur. Un modèle de liberté et d’égalité. Un paradis à défendre contre « les criminels d’à côté », comme il désigne ses voisins palestiniens. Quand il ne les appelle pas les « nazis de Gaza »[9].
Il pense que « le sionisme est la seule utopie du XIXè siècle qui ait abouti à une société démocratique ». Et lorsqu’on l’interroge sur la réforme judiciaire souhaitée par Netanyahou et qualifiée d’anti-démocratique par ses opposants, il balaie les critiques d’un revers de la main : « cette réforme n’est pas essentielle, elle nous a déchirés inutilement. Le gros problème interne du pays c’est la spéculation immobilière »[10].
Le sionisme de Marco Koskas n’est pas religieux mais suprémaciste. Lui se dit ultra-laïque, et lorsqu’il parle de la « sensualité » d’Israël, on comprend que son alya a plus rapport avec « les appels sexuels permanents de Tel-Aviv »[11], qu’avec l’appel d’une terre promise. Dans un de ses ouvrages, Bande de français, il va jusqu’à endosser le costume d’un hardeur à la retraite, qui ne peut aborder une femme sans l’agresser (en plus du reste, il manie le « connasse » et « pétasse » à la perfection…), bien loin des préoccupations religieuses. En revanche, comme tout suprémaciste islamophobe se revendiquant de la laïcité, il n’a aucun problème à imaginer les ultra-orthodoxes au pouvoir. Parce qu’il partage avec eux la conviction d’une infériorité civilisationnelle et humaine des musulmans.
D’ailleurs, dans l’œuvre de Marco Koskas, les palestiniens sont soit invisibilisés, soit terroristes. Et c’est là, sans doute, que naît sa complaisance génocidaire : organiser l’oubli de la réalité de l’autre et sa déshumanisation, en s’appuyant pour cela sur le concept de guerre contre la terreur. Maniant le négationnisme avec la facilité des intellectuels d’extrême-droite, il s’emploie à faire disparaître le peuple palestinien dans l’Histoire comme dans ses récits : il s’interroge publiquement sur l’existence de la Nakba (l’exode palestinien de 1948), en regrettant l’absence d’iconographie pour étayer la réalité de son histoire[12].
Cette négation absolue de l’autre, il la revendique jusqu’à remettre en cause le droit des palestiniens d’exister en tant qu’Etat, en tant que peuple, et en tant qu’êtres humains. La reconnaissance d’un État et d’un peuple palestinien ? « Bla-bla palestiniste qui abuse le monde depuis 1948 ». La solution à deux États ? Un projet « suicidaire ». Pas surprenant, alors, de lire sous sa plume son admiration pour Trump et sa solution de vider Gaza de tout gazaoui. Par un procédé rhétorique rappelant les pires heures de l’histoire, cette épuration ethnique qu’il appelle de ses vœux est présentée comme une œuvre de salut pour débarrasser le monde des gazaouis. « Gaza est un enfer où aucun être humain ne peut vouloir vivre sa vie. (…) Gaza ne sera donc plus habité jusqu’à muter en autre chose, puisque les Etats-Unis vont en prendre le contrôle et faire de cet enfer un monde enfin vivable »[13]. Traduire : les gazaouis souhaitant rester à Gaza ne sont pas des êtres humains, ils méritent d’être traités comme tels, et débarrassée des gazaouis, cette terre redeviendra vivable.
Par plus surprenant de lire dans les billets de Marco Koskas que « Tsahal a fait des prodiges depuis le 7 octobre ». Et parmi ces prodiges, motif de grande fierté et de grande réjouissance pour lui, « la population (palestinienne qui) erre sans feu ni lieu, sans avenir et sans toit, du bord de mer au bord de mer sous des pluies battantes »[14].
Dans sa guerre totale contre les arabes, toute critique adressée au gouvernement israëlien est qualifiée d’« israëlophobie », et de « tête de gondole du terrorisme ». L’activisme pacifique de Tahed Tamini, jeune palestinienne engagée contre l’occupation israëlienne, est considéré au même titre que les attentats de Nice. Et s’il se trouve un compatriote israëlien pour raconter l’histoire de cette jeune femme (cf. « Le Genou d’Ahed » de Nadav Lapid[15]), il sera qualifié de « Kapo », ou de « Judenrat de l’Allemagne nazie ». Et son œuvre de « réflexe de survie qui (consiste) à dénoncer les siens pour sauver sa peau »[16].
Marco Koskas est écrivain mais il aurait certainement rêvé d’être général de Tsahal. Dans un article au titre éloquent « Otage ou soldat, Mourir c’est toujours mourir », il appelle purement et simplement à sacrifier les otages. « Nous ne venons pas à bout du Hamas à cause des otages (…) tous les jours des jeunes gens tombent pour rien. C’est pourquoi il faut maintenant du courage pour reconnaître que cet objectif (la libération des otages) n’a pas été atteint et priver ainsi le Hamas de la dernière arme qui lui reste. Quel qu’en soit le prix. »[17]. Cet appel porte un nom : la directive Hannibal, consigne militaire israélienne datant des années 1980 visant à empêcher la capture de soldats, quitte à sacrifier leur vie s’ils sont pris en otage. Pour la première fois, le 7 octobre 2023, l’Etat d’Israël a élargi cette doctrine au-delà des soldats et engagé son armée pour tuer des civils israéliens et des soldats capturés, dans plusieurs bases militaires, notamment à Erez, Réim et Nahal Oz, ainsi que dans le kibboutz de Beeri, où des civils étaient présents[18]. Révélée par une enquête d’Haaretz, la mise en application de cette doctrine n’a pas été reconnue par le gouvernement israëlien qui a tout fait pour entraver une enquête de justice indépendante. Tsahal et le gouvernement Netanyahou peuvent toutefois compter sur Marco Koskas pour préparer l’opinion israëlienne à la légitimité du meurtre par Israël de ses concitoyens.
Alors comme il ne porte pas l’uniforme, Marco Koskas transforme sa plume en arme de haine. La haine d’un génocidaire islamophobe qui déshumanise les musulmans pour mieux légitimer leur éradication. La haine d’un « super-sioniste », comme il se désigne lui-même, qui veut anéantir jusqu’à la mémoire du peuple palestinien. La haine d’un petit penseur d’extrême-droite qui appelle à « foutre une balle dans la tête de Mme Sourdais, Monsieur Coquerel et toute la mélenchonie. », dont le seul regret est qu’il n’aura « jamais assez de balles pour dézinguer tous ces affreux. »[19]
[1] « Le Billet de Marco Koskas. Invasion annuelle. », Tribune Juive, 22 juillet 2021.
[2] « Le Billet de Marco Koskas. Tribalisme triomphant. Ou le Primat du Primitif », Tribune Juive, 19 août 2021.
[3] Nahum, Maya. « Marco Koskas, plus sioniste qu’un Israélien. », Causeur, 4 octobre 2024.
[4] “Marco Koskas. Fracture ouverte chez les juifs de France”, Tribune Juive, 17 février 2022
[5] Nahum, Maya. « Marco Koskas, plus sioniste qu’un Israélien. », Causeur, 4 octobre 2024.
[6] Gendron, Guillaume. “Dur des lamentations”, Libération, 1er octobre 2018.
[7] “Simple Minded Revolution. Par Marco Koskas”, Tribune Juive, 5 février 2025.
[8] « Le Billet de Marco Koskas. Invasion annuelle. », Tribune Juive, 22 juillet 2021.
[9] Marco Koskas, « Comment résiser ? », Tribune Juive, 20 février 2025 (article depuis retiré du site par la réadaction).
[10] Nahum, Maya. « Marco Koskas, plus sioniste qu’un Israélien », Causeur, 4 octobre 2024.
[11] Gendron, Guillaume. “Dur des lamentations”, Libération, 1er octobre 2018.
[12] Nahum, Maya. « Marco Koskas, plus sioniste qu’un Israélien », Causeur, 4 octobre 2024.
[13] Marco Koskas. « Simple Minded Revolution », Tribune Juive, 5 février 2025.
[14] Marco Koskas. « Se réjouir, insatisfaits », Tribune Juive, 28 novembre 2024.
[15] Causse, Jacques. “Cannes 2021 : Le Genou d’Ahed de Nadav Lapid, ou l’autoportrait au vitriol d’un réalisateur divisé.” Télérama, 7 juillet 2021. Disponible sur : https://www.telerama.fr/festival-de-cannes/cannes-2021-le-genou-dahed-de-nadav-lapid-ou-lautoportrait-au-vitriol-dun-realisateur-divise-6923229.php.
[16] « Le Billet de Marco Koskas. Paillettes et Gauchisme gâteux », Tribune Juive, 18 juillet 2021.
[17] « Otage ou soldar, Mourir c’est toujours mourir», Tribune Juive, 15 janvier 2025.
[18] Le Monde. “En Israël, l’enquête impossible sur le fiasco sécuritaire.” Le Monde, 6 octobre 2024, https://www.lemonde.fr/international/article/2024/10/06/en-israel-l-enquete-impossible-sur-le-fiasco-securitaire_6344892_3210.html.
[19] Marco Koskas, « Comment résiser ? », Tribune Juive, 20 février 2025 (article depuis retiré du site par la réadaction).