Au bonheur des négationnistes (retour sur les pratiques du champ littéraire), troisième partie
Première partie ici Deuxième partie ici Au bonheur des négationnistes (retour sur les pratiques du champ littéraire) Troisième partie La critique littéraire contre le « réalisme historien » : le déni du document littéraire Évidemment, Nichanian ne peut tout de même pas faire comme s’il ignorait que le génocide nazi est amplement documenté. Mais c’est ici qu’intervient l’argumentaire antiréférentiel de White, appliqué spécialement aux écrits dans lesquels des victimes ont entrepris de témoigner. Pour le spécialiste des littératures arméniennes du XXe siècle, la question du « statut du témoignage » est en effet au cœur du débat suscité par les travaux de White, comme l’atteste au demeurant le fait que Carlo Ginzburg ait « construit sa critique dévastatrice de la position » de White « autour d’une idée indestructible du témoignage »[1]. L’enjeu est alors d’opposer à Ginzburg une conception du témoignage qualifiée de « moderne » – et prêtée à Renato Serra malgré l’auteur de « Just One Witness » – selon laquelle il « cess[e] d’être un document pour l’histoire et prév[aut] pour lui-même en tant que fait »[2]. C’est à cette conception autonomiste du témoignage que la critique littéraire contemporaine est sensible au premier chef. Mais ce qui est intéressant à observer à travers cette étude de cas, c’est le rapport de nécessité entre cette conception autonomiste et la métaphysique idéaliste d’après Auschwitz que j’ai exposée dans la partie précédente. Il est entendu que « [l]e relativisme permet de ne se trouver nulle part au moment même où l’on prétend être équitablement partout », dans « un refus d’assumer la responsabilité d’une enquête critique »[3].…